Au commencement, c’est une saga entrepreneuriale, faite d’ingénieurs féconds devenus capitaines d’industrie avisés. Elle épouse et parfois précède les grandes avancées technologiques d’un siècle qui n’en est pas avare, tout en brassant des milliards. Elle s’enracine dans un terroir essentiellement rural et le transforme. Se produit alors une véritable métamorphose urbaine, qui voit la petite ville savoyarde, enchâssée sur son replat et satellisant quelques “villages”, se dédoubler pour donner naissance à l’autre Ugine. Cette “cité-jardin”, à laquelle travaillent quelques éminents architectes, est encore partiellement visible aujourd’hui et devient le cadre d’existence de toute une humanité.
Ugine s’enfante en effet du peuple bigarré de l’usine, fait d’ouvriers-paysans des villages alentour, d’immigrés italiens et des déracinés de tout poil d’un siècle furieux, Russes fuyant le bolchevisme notamment.
Cette ruée vers l’acier aura transformé la terre et les habitants d’un petit coin de France au cours du XXe siècle.
Franck Roubeau, né en 1970, est professeur d’histoire-géographie au lycée Jean-Moulin d’Albertville et doctorant en histoire contemporaine à l’université Lyon-2, rattaché au LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes).
François Deladerrière, photographe né en 1972, travaille essentiellement sur le paysage et l’architecture. Il a notamment abordé la montagne avec une importante commande à l’occasion de l’anniversaire de l’annexion de Nice et de la Savoie : Nice et Savoie. Un regard contemporain (coédition Actes Sud-Fondation Facim, 2010).
Edition Actes Sud / Fondation Facim
Longtemps modeste bourgade alpine, Ugine entre dans la modernité à l’aube du XXe siècle quand s’installe sur son territoire un premier site de production métallurgique. Elle porte haut et fort, par l’ingéniosité de ses cadres et le savoir-faire de ses ouvriers, les couleurs de l’industrie française. C’est cette histoire, celle d’un made in Ugine, que raconte Franck Roubeau, en lien avec un très beau reportage à la chambre réalisé par François Deladerrière. À une époque où les industries de l’acier européen sont détruites par la mondialisation, cette exception savoyarde méritait un livre.